Même si le 1er mars marque officiellement le commencement de l’automne en Nouvelle-Zélande, c’est sous un soleil de plomb qu’une vingtaine de personnes et moi-même prenons place dans 2 moyennes embarcations à la marina de Tutukaka Bay, dans le nord du pays. Après avoir passé un printemps pluvieux et un été frisquet à Wellington, la capitale, je découvre avec bonheur le climat subtropical de cette partie de l’ile-du-nord. Ici, c’est le monde à l’envers : nordicité est synonyme de chaleur, et pas l’inverse! Notre capitaine, Jack (pas Sparrow), fait filer le bateau à vive allure sur la mer d’un bleu profond, et les conversations vont bon train entre les passagers alors qu’on s’approche des Poor Knights Islands. Il faut dire qu’il y a de la fébrilité dans l’air : nous sommes les premiers à prendre part à cette excursion de Stand Up Paddle Board dans l’archipel. Au menu pour cette première mondiale : randonnée sur l’eau, piquenique, SUP Yoga et plongée « apportez votre masque »!
Peu avant d’arriver à destination, le capitaine coupe les moteurs et nous explique ce qui a valu le nom de Poor Knights à cette poignée d’iles, vestiges d’une éruption volcanique vieille de quelques millions d’années, et située à 25 km de la rive la plus près. C’est d’abord parce que les premiers colons européens arrivés sur place ont relevé une ressemblance certaine avec ce qu’ils appelaient le Poor Knight’s Pudding. Il s’agit peut-être de la version moyen-âge de notre fameux pouding chômeur? De plus, la silhouette des deux iles principales (Tawhiti Rahi et Aorangi) et les ilets entre celles-ci dessinent à l’horizon le profil d’un chevalier allongé dans son tombeau, bouclier sur les jambes, et mains posées sur son épée près du buste.
Après cette introduction, c’est au tour de notre guide Tim de prendre la parole. Il nous apprend qu’à l’endroit précis où nous nous sommes arrêtés, un changement important est perceptible dans les eaux du Pacifique. Si les scientifiques attribuent ce changement à un courant maritime différent, lui, d’origine maorie, croit qu’il s’agit de l’entrée de la zone sacrée, ou « tapu ». Il nous suggère d’ailleurs d’annoncer notre présence aux ancêtres et esprits gardiens des lieux, ne serait-ce que mentalement, à l’approche de la réserve. « C’est mieux de le faire, croyez-moi », qu’il nous dit. « J’ai déjà omis de me présenter en m’y rendant en kayak, et je me suis retrouvé à l’eau sans explication valable! » Les Poors Knights Islands sont inhabitées depuis 1820 environ, après qu’un terrible massacre entre clans maoris s’y soit déroulé.

En route vers Tawhiti Rahi et Motu Kapiti, les deux plus larges îles que comporte Poor Knights Islands ~ photo par Sean O’Connor
Après environ une heure passée dans le bateau, mes premiers coups de pagaie me semblent libérateurs! La mer étant un peu agitée, la plupart des participants choisissent de rester agenouillés, mais moi je risque le tout pour le tout en me mettant debout sur la planche. Il faut dire que je suis habituée aux conditions venteuses de Wellington, et que l’eau n’est pas si froide après tout : un beau petit 24°C (ou 75 °F). Puisque les Poors Knights Islands sont classées « réserve naturelle » et sous la protection du département de conservation de la Nouvelle-Zélande, personne ne peut fouler le sol des iles sans détenir un permis. Toutes nos activités du jour se feront donc sur l’eau. Nous poursuivons notre exploration en longeant les hauts murs des falaises abruptes à la recherche de tuataras prenant un bain de soleil (une espèce de lézard muni d’un 3e œil sous la peau). Nous cherchons aussi à repérer les fameuses Poor Knights Islands lillies, une espèce florale endémique. Les arches que nous franchissons sont impressionnantes, et je ne peux m’empêcher d’avoir une petite pensée pour notre rocher percé. Est-ce que là aussi, à une certaine époque, des guerriers y restaient perchés pendant des jours afin de trapper les visiteurs indésirables?
Un autre attrait important de la région est Riko Riko, une énorme caverne qui s’est taillé une place au sein des records Guinness avec ses 7 900 000 pieds cubes et plus d’un hectare d’étendue d’eau à l’intérieur de la grotte elle-même. Riko Riko se traduit par « lumière chatoyante », et lors de la plus longue journée de l’année en décembre, la lumière du soleil éclaire l’intégralité de l’une des larges parois. Malheureusement, selon nos guides, le solstice d’été dans le Northland se passe généralement sous un couvert nuageux, ce qui empêche souvent au phénomène magique de se produire! On nous avait promis en cet antre aux murs tapis de lichen une expérience acoustique particulière, mais malheureusement pour nous, ce jour-là, un autre groupe s’y trouve déjà et leur capitaine ne juge pas bon d’arrêter le moteur de leur grosse embarcation. L’oreille bredouille, nous mettons donc le cap vers Nursery Cove, une anse où nous attachons les deux bateaux ensemble pour le lunch, et où les lignes et ancrages sont déployés pour une magnifique séance de SUP yoga dans un décor unique.
Bien sûr, on ne peut visiter les Poor Knights Islands sans se saucer les orteils, car ce site est l’une des 10 meilleures destinations au monde pour la plongée selon l’honorable Jacques Cousteau! C’est avec entrain que nous « chaussons » nos masques et nos tubas et que nous plongeons au coeur des anémones, des éponges et des coraux afin d’y découvrir leurs habitants. Plus de 125 espèces marines habitent ces eaux claires, se partageant les forêts d’algues, les bancs de sable fin et le réseau de grottes et de tunnels sous-marins. Bien sûr, nous aurions aimé faire la rencontre d’un spécimen de requin-baleine, dont nous avions entendu parler… mais pour dire vrai, cette idée nous rendait aussi un peu nerveux! Alors c’était un mélange de déception et de soulagement qu’ils ne soient pas au rendez-vous ce jour-là. De plus, nous n’étions pas en reste, puisqu’entourés de snappers, de méduses, de maomaos et autres belles bibittes. Une excellente façon de remplir notre tête de belles images avant d’amorcer le retour vers la terre ferme!

Les Poor Knights Islands, l’une des 10 meilleures destinations au monde pour la plongée selon l’honorable Jacques Cousteau! ~ photo par Sean O’Connor
Cette excursion de Stand up paddle board est l’idée originale de Scott Gundesen, un ancien plongeur professionnel qui a choisi de délaisser une carrière plutôt lucrative en 2014 afin de pouvoir passer plus de temps avec ses 3 filles et de fonder SUP Bro, une entreprise qui le rapproche de ses valeurs premières, la communauté et l’accès à l’eau et à la nature. Les quartiers généraux de la petite compagnie familiale sont situés dans les boisés de Ngunguru, et nous avons eu la chance d’y séjourner, sous les étoiles, pendant notre visite. Cheers à notre hôte Scotty!
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